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Santu2b
278 abonnés
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4,0
Publiée le 10 avril 2016
Sorti en 1953 et sacré à Venise, "Les Contes de la lune vague après la pluie" constitue le chef-d'oeuvre de Kenji Mizoguchi, classique du cinéma japonais. Classique du cinéma mondial devrait-on dire plutôt, résumant à lui seul la sagesse de la philosophie nippone. Sur le plan formel, l'œuvre délivre un véritable festival de virtuosité. Au cœur d'une reconstitution impeccable du Japon du XVIe siècle, le cinéaste étale ses multiples fondus et ses plans parfois inoubliables. Et que dire de cette lumière fabuleuse et même spirituelle, faisant scintiller la brume sur la mer. Lorgnant même vers le fantastique, "Les Contes de la lune vague après la pluie" propose une réflexion intense et parfois émouvante sur le destin et la question du choix humain. Une perle d'inventivité et de poésie.
Attention, cette critique dévoile des éléments essentiels de l'intrigue. Le trajet est simple et sa morale imparable : d'où vient alors l'émotion qui nous terrasse à la fin des "Contes de la lune vague après la pluie" ? La grande intelligence de Mizoguchi est de ne jamais surplomber ses personnages, de toujours les accompagner sans toutefois faire preuve d'empathie. Il use de la distance nécessaire avec eux parce que leur comportement est indéfendable, l'ambition les menant à leur perte. Ou plutôt, ce sont moins Genjuro et Tobei qui sont dévastés que leurs femmes, victimes directes d'un égoïsme finalement vain. Il va de soi que la volonté de Tobei de devenir samouraï est dérisoire : il est présenté comme un paysan sans valeurs et, pour parvenir à ses fins, il se rabaissera à une action ridicule. Tobei sera finalement puni dans une scène à la fois comique et terrible; alors que lui et ses hommes se rendent dans une maison close, Tobei se retrouve par hasard devant sa femme, devenue courtisane après qu'il l'a délaissée. Pour Genjuro, sur qui le film passe le plus de temps, il est séduit par une princesse énigmatique qui l’emmène dans son manoir; cette partie est la plus fascinante en ce que son orientation fantastique vient dire de façon à la fois littérale et métaphorique le passage de Genjuro dans un autre monde : il n'est plus ce potier qui exerce son art dans la misère mais devient un prince qui vit un rêve éveillé. La mise en scène de Mizoguchi est aussi pragmatique qu'inventive pour décrire cet univers onirique; que ce soit par le choix des costumes (la robe blanche de la princesse), la photographie qui devient subitement beaucoup plus lumineuse ou encore des panoramiques circulaires ingénieux qui permettent de changer de décor sans coupes afin d'assurer une continuité étrange, on est comme transporté dans un autre monde. Mais cette incursion fantastique n'a rien d'idéal, elle enferme au contraire Genjuro dans une folie qui ne s'estompe que dans les dernières minutes, au moment où il comprend que la femme qu'il retrouve au foyer n'est qu'une abstraction : il ne lui reste que son enfant qu'il devra élever seul. Par ses talents de conteur et la limpidité de sa mise en scène, Kenji Mizoguchi réalise une tragédie humaine poignante et emploie le fantastique non pas pour échapper au réel mais pour mieux le servir, pour en dévoiler toute la cruauté.
La mise en ligne par Arte de plusieurs films de Mizugochi m’a permis de revoir son chef d’œuvre, Les contes de la lune vague après la pluie.
Disons-le pour commencer, la mise en scène est sidérante de modernité et d’élégance. Les premières scènes sont à ce titre exemplaires : travelling délié, variété des plans, montage alerte.
Le propos du film est également intemporel et parfaitement adapté à notre présent : ravages causés par la guerre, folie de l’ambition, violences faites aux femmes, distorsion de la réalité, irruption du fantastique dans une trame qui jusque-là était très réaliste.
Il y a enfin dans le film une cruauté sèche qui ne déparerait pas dans le cinéma contemporain, si ce n’est qu’ici les scènes violentes ne font pas l’objet d’une exposition frontale (on coupe les têtes légèrement hors champ, les viols ne sont qu’évoqués et les lances ne percent pas vraiment les corps).
Le film est enfin plastiquement très beau. La photographie est splendide et ménage quelques scènes d’anthologie, comme celle où on glisse dans la continuité du bain dans la source chaude à l’arbre en fleur. Le travail sur la musique est aussi très important, mêlant musique traditionnelle japonaise (lancinante, il faut le dire) et musique occidentale (qui peut parfois rappeler celle des westerns de la même époque).
Un film remarquable qui peut éventuellement rebuter ou interloquer par son formalisme parfois un peu compassé, particulièrement sensible dans le jeu des acteurs. A revoir.
C'est l'histoire de la désillusion. Le désir qui s'évanouit dans les limbes de la nuit. Tous les espoirs de chaque personnage est anéanti dans les ténèbres. Une beauté poétique qui est pleine de sens et de tristesse car cela parle de souffrance et de mort. Très beau.
Inspirée d'un classique de la littérature japonaise, une fable cruelle sur la folie des hommes, mais qui parait un peu désuète et manquant d'émotions pour la rendre poignante.
Dénonçant l'aveuglement et l'égoïsme de ces hommes qui poursuivent des chimères leur faisant dédaigner ces courageuses femmes qui les aiment sincèrement la narration progresse très lentement. Malgré une splendide photographie, le récit ennuie vite, la faute à ces travers du cinéma japonais: la recherche assommante de pathos entre cris et larmes, le sur-jeu constant entre grimaces et gestes excessifs, la musique stridente pour dramatiser encore l'ensemble - déjà larmoyant. Ajoutons des scènes de mort ou de combats passablement ridicules et toute la dimension tragique du propos s'évapore malgré des choix de scénario pertinents pour leur symbolique - quoi que lourdement didactique. Pour les amateurs du genre...
C'est un très beau film des années cinquante. C'est filmé juste après la seconde guerre mondiale, l'empire japonais vaincu et dans un japon moderne géré par l'Amérique. Là les décors sont soignés et l'ambiance de la fin du moyen âge au Japon parait crédible. Une bonne ambiance de village médiévale. Plusieurs histoires imbriquées les unes aux autres. Les scènes sont longues, plus de dix secondes par scènes. Les histoires personnelles sont intéressantes.
"Conte de la lune vague après la pluie" est sans doute le film le plus connu de Kenji Mizoguchi, Lion d'argent à Venise en 1952, où pour la première fois sans doute le style du réalisateur emprunte au lyrisme et recourt au gros plan qu'il avait jusqu'alors tenu à distance de sa caméra. Visuellement somptueux, le film scénarisé par Yoshikata Yoda son fidèle collaborateur depuis "L'élégie d'Osaka" (1936) et par son ami d'enfance Matsutara Kawaguchi (déjà réunis pour "Conte des chrysanthèmes tardives" en 1939) opère la jonction de deux nouvelles d'Akinari Ueda. Dans un Japon médiéval tourmenté, quatre personnages, deux sœurs et leurs maris, vont voir leurs destins bousculés par les tourments de la guerre qui dévoile la véritable nature de chacun. Genjuro (Masayuki Mori) artisan-potier entend profiter de l'occasion pour accroître sa richesse alors que son beau-frère Tobie (Sakae Ozawa) rêve de devenir samouraï. Leur cupidité et leur ambition démesurée sera tout à la fois source d'apprentissage mais aussi générateur de malheur pour leurs épouses à travers la prostitution et la mort. Encore une fois Mizoguchi expose la différence de statut entre les hommes et les femmes au Japon où ces dernières subissent, le plus souvent à leur détriment, les foucades des hommes de leur entourage proche. Dans ce Japon encore obscurantiste du XVIème siècle, Mizoguchi convoque les fantômes du spectacle nô pour nous immerger dans une atmosphère d'irréalité envoûtante qui n'entrave en rien sa volonté de creuser toujours un peu plus profond le même sillon de l'injustice faite au cours des siècles à celle qui a le pouvoir de donner la vie et qui le paie décidemment bien cher. Parvenu au sommet de son art, Mizoguchi montre enfin que filmer au plus près ne lui fait pas peur quand il estime que le sujet s'y prête. Ici un contexte tourmenté où toutes les prévenances sont abolies par le chaos de la guerre qui réveille les fantômes.
Considéré comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéaste japonais Kenji Mizoguchi (1898-1956), Les contes de la lune vague après la pluie est adapté de plusieurs histoires de l’écrivain nippon Ueda Akinari (1734-1809), l’une des figures littéraires de l’archipel au XVIIIème siècle. Débutant de manière réaliste, le film nous plonge progressivement dans des univers fantastiques destinés à illustrer une morale qui est peu tendre pour les personnages masculins. En effet le long-métrage raconte l’histoire de deux amis dont l’ambition folle – l’un, potier, rêve de vivre très confortablement de son art, quitte à vendre son âme aux morts, l’autre crève d’envie de devenir un samouraï – plongera leurs épouses respectives dans une déchéance totale. À travers ces contes moraux, Mizoguchi nous rappelait le danger de privilégier son destin personnel au détriment de l’attention apportée à ses proches.
Un film vaporeux au mystère permanent et à la morale puissante. Mizoguchi débarque donc en ce début des années 50 au festival de Berlin avec une œuvre puissante et purement japonaise. On est tout de suite happé et dépaysé par tant de singularité. On perd vite ses repères au milieu de cet environnement si finement ciselé et à la fois brutal. Le scénario est extraordinaire, la mise en scène éthérée et délicate, le tout me faisant parfois penser à Mulholland Drive. Sublime.
Retour aux sources. Ce film serait un des premiers kaidan au cinéma. Il raconte l’histoire d’un potier qui vit dans un petit village. La guerre est annoncée mais ça n’empêche pas notre gars d’aller vendre ses créations à la ville. En vrai, il rêve de gloire et de richesse. Alors que son village subit les outrages d’une armée de crevards, il se rend chez une riche cliente qui veut lui acheter son stock et peut-être son âme. Ça commence comme une comédie et on rit de bon cœur devant des personnages un brin caricaturaux et surtout inconscients de leur ridicule. Les femmes sont ici la raison et la sagesse, c’est certain. On continue dans un registre qui est plutôt celui de la comédie de mœurs. Notre campagnard se laisse séduire par les atours de la noblesse dans ce qu’elle a de plus séduisant. Mais comme en vrai, la noblesse ne donne pas gratuitement et celui qui croit la berner est le dindon de la farce. Le vrai visage de cette cliente fortunée sera peu reluisant et nous fera basculer dans l’ambiance fantastique. La morale de cette histoire ? Au gré de quelques plans de toute beauté (la traversée du lac), Mizogushi nous plonge dans une farce féroce et trépidante. A recommander.
Un film sublime où Mizoguchi fait du conte japonais le cadre esthétique d'un récit de survie en temps de guerre. Son film illustre une vérité humaine : ce sont toujours les mêmes qui sont les premières victimes de la guerre. Mizoguchi filme ses personnages avec de doux travellings latéraux qui sont chez lui le contrepoint formel du tragique. Une rétrospective Mizoguchi s'est ouverte à la Cinémathèque française. L'occasion de voir ou revoir ses chefs-d'oeuvre, Voir ma critique complète sur mon site : newstrum.wordpress.com
Les contes de la lune vague après la pluie est un des films les plus chers produits en 1953. Kenji Mizoguchi recrute un casting composé des plus grandes stars du cinéma japonais de l’époque. Il s’entoure des meilleurs techniciens dont le chef opérateur Kazuo Miyagawa, un des plus grands formalistes des jeux de lumières (et d’ombres). Si ce film est l’un des plus courts de son auteur, il fait partie aussi des films les plus aboutis réalisés par Mizoguchi qui remporta avec ce film un Lion d’argent à la Mostra de Venise. Critique complète sur incineveritasblog.wordpress.com/festivals/la-rochelle/2019-2/
Wow ! Quelle claque ! Mizoguchi est vraiment au sommet de son art ! Une originalité et une histoire très original et impressionnante pour l'époque ! Excellent
Ce grand classique du cinéma Japonais, voire du cinéma mondial, est, comme son titre (magnifique) l’indique, un conte. Un conte moral, dans lequel Mizogushi montre et dénonce les illusoires aspirations des hommes, en opposition à la conscience de la réalité et de la valeur des choses simples souvent présentes chez les femmes. Les deux personnages masculins principaux, un potier et un paysan, vont en effet céder à leurs ambitions ou obsessions. La première ambition du premier est celle de faire fortune, grâce aux pots qu’il confectionne avec amour et savoir-faire. La seconde, inconsciente jusqu’à sa révélation, est d’être considéré comme un artiste (voir la formidable scène où il est considéré ainsi pour la première fois). Enfin la troisième, qui se révèle dans le contexte de l’éloignement de son foyer, est de rencontrer la femme « idéale », en fait la femme fantasmée, symbole culturel de la féminité, propice à la projection de tous les désirs imaginaires et fantasmes. Pour bien exprimer ce caractère fantasmatique, la femme idéalisée en question est présentée comme l’émanation d’un monde parallèle, celui des disparus ou celui du rêve. L’ambition du paysan est celle de devenir un samouraï, alors que, comme son épouse lui indique, il ne sait pas se battre. Cette ambition de gloire, d’image de puissance, apparaît comme une préoccupation de démonstration de virilité, vis-à-vis du monde mais surtout de son épouse. Ainsi les deux les psychismes des deux personnages impriment au film une forte dimension érotique et sexuelle. Victimes de ces comportements, les deux épouses rencontreront l’une la mort, l’autre la prostitution (formidable séquence du paysan devenu par un subterfuge « samouraï » découvrant sa femme dans un bordel). Dans ce grand film féministe, le propos du conte est universel : les véritables valeurs sont-elles dans la richesse, la gloire, la puissance et le plaisir ? Au service de ce propos, la forme peut désorienter le spectateur occidental. Les séquences de nature poétique sont admirables, mais le jeu sur-expressif des acteurs, certainement issu d’une tradition Japonaise, peut constituer un frein à l’adhésion totale. Peut-être aussi la mise en scène, exemplairement réfléchie et efficace, manque-t-elle un peu de personnalité, et le côté « moralisateur » est-il un peu appuyé…